ELEMENTS DE SPERMIOLOGIE
(article de vulgarisation) -jmj.plouchart 1998

DU SPERMATOZOIDE A L'OVULE

Entre l'éjaculation du sperme dans la cavité vaginale et la fécondation de l'ovule (ovocyte) dans la trompe, les spermatozoïdes devront parcourir un long chemin. Pour cela, ils devront d'abord passer un filtre naturel que représente le mucus cervical (glaire) présent sur le col de l'utérus en période ovulatoire.
Une fois qu'ils auront passé cette barrière, les spermatozoïdes "filtrés" pourront continuer leur chemin dans les trompes jusqu'à atteindre leur but final: l'ovule.

La sélection, au niveau du mucus cervical, se fera en fonction de deux critères essentiels que devront présenter les bons spermatozoïdes:

- avoir une mobilité progressive efficace,
- avoir une morphologie normale pour passer sans encombre dans le réseau de filtration que forme la glaire.

Sur quelques dizaines de millions de spermatozoïdes qui se présenteront devant le mucus cervical, seuls quelques dizaines de milliers arriveront aux alentours de l'ovocyte.

 
QU'EST-CE QU'UN SPERMATOZOIDE ?

C'est une cellule autonome qui mesure 40 à 50 millième de millimètres de long (microns) et qui est constituée de trois parties distinctes: une tête, un flagelle et une pièce intermédiaire.

La tête, ovalaire et mesurant environ le dixième de la longueur du spermatozoïde est constituée de deux éléments importants: le noyau et l'acrosome.

Le noyau contient la chromatine, masse dense porteur du patrimoine génétique sous forme haploïde
(n-chromosome).

L'acrosome, qui recouvre les deux tiers de la surface antérieure de la tête (cape acrosomique), peut être assimilé à un sac qui peut s'auto-détruire dans certaines conditions en libérant des enzymes très actives: c'est la réaction acrosomique.

Celle-ci peut se produire à différents niveaux:

- Autour de l'ovocyte, la libération d'enzymes permettra de dilacérer les complexes cellulaires péri-ovocytaires: cumulus oophorus et corona radiata.
Le passage des autres spermatozoïdes sera ainsi facilité pour atteindre l'ovocyte.

- Contre l'ovocyte, la réaction acrosomique, après destruction de la cape acrosomiale, permettra la mise à nu de structures sous?membranaires du spermatozoïde jusqu'alors cachées et qui, en entrant en contact avec des sites complémentaires de la membrane ovocytaire permettront la fixation du spermatozoïde puis, après fusion, le passage du matériel génétique masculin dans l'ovocyte.

De nombreuses malformations de l'acrosome sont observées dans certains spermes d'hommes soupçonnés d'infertilité. ( voir aussi les nouvelles données en spermiologie)

Le flagelle
Il représente la partie locomotrice du spermatozoïde et lui confère un mouvement oscillatoire nécessaire à son déplacement tout au long de son parcours vers l'ovocyte.
Toute anomalie de structure du flagelle entraîne des anomalies de mouvement : mouvement désordonné ou glissant. Le rendement locomoteur est alors très réduit et tout obstacle devient insurmontable (akinésie ou dyskinésie flagellaire).

La pièce intermédiaire

Placée derrière la tête et entourant la partie proximale du flagelle, la pièce intermédiaire abrite une forte concentration de mitochondries, véritables petites usines à fabriquer de l'énergie sous forme d'ATP (Adénome Tri?Phosphates) et qui sert de carburant au mouvement flagellaire.

Le Fructose, sucre que l'on trouve dans le liquide spermatique, pourra servir de source d'énergie provisoire avant que le spermatozoïde pénètre dans la glaire où il trouvera d'autres sources d'énergie.


NAISSANCE DU SPERMATOZOIDE

La fabrication des spermatozoïdes ou spermatogénèse, qui se situe dans le testicule à partir de cellules souches, répond à deux besoins:

- Le premier est de fabriquer une cellule autonome très particulière que nous avons décrite précédemment et qui doit être parfaitement adaptée à son rôle de transporteur d'information génétique (chromosomes).
- Le second est de fabriquer un noyau cellulaire très spécial qui est haploïde, c'est-à-dire qu'il contient la moitié du contenu chromosomique de n'importe quelle autre cellule du corps humain, et cela après avoir opéré un mélange de gènes d'origine paternelle et maternelle. Le résultat en est que deux spermatozoïdes ne portent pratiquement jamais le même capital génétique.

Tout ce processus se fait à travers une série de divisions et de différenciations cellulaires qui durent en tout soixante-quatorze jours.
Le rendement théorique de la spermatogénèse est de 32 spermatozoïdes par cellule souche (spermatogonie). Dans la réalité, il ne dépasse guère 60 à 70% dans les meilleurs cas et peut être nettement inférieur en situation pathologique.

La formation du spermatozoïde à partir de la cellule souche se fait en plusieurs étapes successives. D'abord dans les tubes séminifères où des cellules particulières présentes dans cette partie du testicule auront un rôle important à jouer : Cellules de Sertoli.
La testostérone, hormone mâle, joue un role important dans la fabrication des spermatozoïdes.

Après leur fabrication, les spermatozoïdes continueront leur maturation pendant douze jours dans un long canal: l'épididyme.
Ils acquerront alors leur pouvoir fécondant à la suite de modifications importantes dont la plus visible est la mobilité du flagelle.


NORMALITÉ DU SPERME HUMAIN

Par définition un bon sperme est celui qui contient suffisamment de spermatozoïdes normaux pour être capable de féconder un ovocyte quand les conditions normalement requises sont réunies. Cela montre bien la difficulté devant laquelle se trouve le biologiste pour définir un tel sperme puisque la seule preuve tangible de la fertilité masculine c'est la grossesse de la conjointe.
Cependant, les techniques de procréation médicalement assistées qui se sont développées depuis plus d'une décennie, et plus particulièrement la fécondation in-vitro, ont permis d'établir des relations plus étroites
entre la qualité biologique du sperme et son aptitude à la fécondation.
L'analyse du sperme peut être divisée en trois étapes successives dont la première, le test de Huhner, constitue la plus simple.
L'étude du comportement des spermatozoïdes dans la glaire après un rapport sexuel est le test le plus naturel que puisse proposer le gynécologue. Il apporte cependant des éléments intéressants puisqu'il permet de visualiser l'interaction sperme-glaire. Il permet aussi de contrôler l'état de la glaire en période ovulatoire dont la mauvaise qualité peut être un obstacle à la migration des spermatozoïdes.
En cas de doute, un test croisé pourra être proposé.

L'analyse du sperme ou spermogramme Il permettra d'apprécier les trois paramètres
les plus importants pour aider au diagnostic :

- le nombre de spermatozoïdes dans l'éjaculât,
- le pourcentage de spermatozoïdes à mobilité progressive,
- le pourcentage de spermatozoïdes ayant une morphologie correcte.

Il existe une relation assez étroite entre ces trois paramètres et l'aptitude à féconder d'un sperme analysé. Une fécondation naturelle sera d'autant plus difficile que l'analyse du sperme s'éloignera des constantes normalement retenues; surtout si plusieurs paramètres sont affectés en même temps.

L'oligospermie définit la diminution du nombre des spermatozoïdes dans l'éjaculat.
L'asthénospermie définit la diminution du nombre de spermatozoïdes possédant une mobilité normale.
La tératospermie définit la diminution du nombre de spermatozoïdes à morphologie normale.

La pathologie la plus sévère, en dehors de l'azoospermie (absence de spermatozoïdes dans l'éjaculat), représentée par l'oligo - asthéno - térato - spermie (OATS) qui traduit un trouble conjoint des trois constantes analysées.

Les analyses plus spécifiques devront être menées dans les cas les plus complexes. En dehors de la recherche de facteurs infectieux ou inflammatoires, on pourra effectuer des tests permettant de mieux appréhender la mobilité spermatique, d'approfondir le statut immunologique des spermatozoïdes ou d'étudier la réaction acrosomique in-vitro.
D'autres tests de troisième intention voient le jour en ce moment et il est à espérer que ces nouveaux champs d'exploration contribueront à élargir nos connaissances pratiques en spermiologie.

SPERMATOZOIDE: CELLULE FRAGILE

En dehors des variations physiologiques importantes que peut subir le sperme au cours de la vie de l'homme, il faut avoir à l'esprit que le spermatozoïde est une cellule fragile et que tous les événements qui peuvent avoir une action directe ou indirecte sur sa fabrication auront des répercussions sur la fertilité.

Sans être alarmiste on peut tout de même citer deux études, l'une française et l'autre danoise, où il est rapporté une diminution constante du volume spermatique ainsi que de la quantité de spermatozoïdes par mal sur une période de cinquante ans. Il paraît possible aujourd'hui d'attribuer ces variations à des modifications de notre mode de vie et notre environnement.

En tout état de cause, un certain nombre de faits ont pu être mis en évidence au quotidien:

 - les drogues, au sens large, ont une incidence sur la fertilité (haschich, s'il est utilisé régulièrement, tabac, alcool), 
 - les médicaments: certains antibiotiques et certains antidépresseurs, la salazopyrine (utilisée dans la colite ulcéreuse),
 - les antimitotiques (auto conservation du sperme avant traitement),
 -certaines conditions de travail, comme l'exposition aux radiations ou à certains agents chimiques de synthèse comme les pesticides.
Les expositions prolongées aux fortes chaleurs ou la position assise prolongée en voiture, quotidiennement.

Dans la plupart des cas cités ci-dessus, il y a réversibilité des phénomènes après élimination de la cause. Il faudra tout de même penser que la spermiogénèse dure 74 jours et qu'il faudra donc attendre un laps de temps suffisant pour annuler les effets délétères.
 

ASSISTANCE A LA PROCREATION ET INFERTILITE MASCULINE

Il existe malheureusement une différence importante entre les connaissances acquises dans le domaine de l'infertilité féminine où il est aujourd'hui possible de traiter la plupart des cas par des solutions bien adaptées et efficaces et notre incapacité actuelle à trouver des solutions thérapeutiques à la "déficience" masculine. Ce qui se traduit concrètement dans de nombreux cas par des solutions palliatives que sont les techniques d'assistance médicale à la procréation (AMP).

Bien sûr, ces techniques sont mises en œuvre seulement quand les traitements médicamenteux ou chirurgicaux, selon les cas, ne sont plus d'aucun secours.
L'idée princeps est de faire une sélection des spermatozoïdes les plus mobiles de manière à augmenter leur concentration relative pour s'en servir ensuite pour une insémination intra-utérine ou une fécondation in vitro classique.

Malgré quelques succès, ces techniques semblent mieux adaptées pour traiter l'infertilité féminine avec un sperme normal du conjoint, que l'inverse.
En dernière intention, le don de sperme est, ou plus exactement, était jusqu'alors la dernière possibilité de posséder un enfant hors adoption.

La micro-injection (ICSI) est la méthode la plus récente mise au point par les biologistes. Elle consiste à injecter, in vitro, un spermatozoïde dans l'ovocyte. Elle pourrait, en principe, permettre à la plupart des hommes possédant quelques spermatozoïdes, éjaculés ou non, de pouvoir procréer avec un taux de succès au moins égal à celui de la fécondation in?vitro classique.

Cette technique recule donc considérablement les limites de l'infertilité masculine.
Toutefois, encore considérée par certains comme une technique expérimentale malgré quelques centaines d'enfants déjà nés en Europe, elle a encore besoin de recul pour trouver sa vraie place au sein de l'assistance médicale à la procréation.

En outre, il ne faudrait pas que l'efficacité grandissante de ces techniques nous fasse abandonner la recherche de solutions thérapeutiques pouvant aboutir au rétablissement de la fonction testiculaire quand cela est possible. L'intimité du couple s'en trouvera alors améliorée.